Définition de LIBERTIN, INE

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : li-bèr-tin, ti-n'

DÉFINITIONS

1
Qui ne s'assujettit ni aux croyances ni aux pratiques de la religion (vieilli en ce sens).
C'est être libertin que d'avoir de bons yeux
Je le soupçonne encor d'être un peu libertin, Je ne remarque point qu'il hante les églises
Pour débrouiller le chaos des consciences libertines
de Esprit FLÉCHIER dans Panég. II, 418
Il se dit aussi des opinions, pensées, etc.
Pourvu que le magistrat les laisse en repos [les indifférents en religion], ils jouiront tranquillement de la liberté qu'ils se donnent à eux-mêmes de penser tout ce qu'il leur plaît, qui est le charme par où ces esprits sont jetés dans les opinions libertines
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 6e avertiss. III, 11
Un roi de Castille, grand mathématicien, mais apparemment peu dévot, disait que, si Dieu l'eût appelé à son conseil quand il fit le monde, il lui eût donné de bons avis ; la pensée est trop libertine ; mais cela même est assez plaisant que ce système fût alors une occasion de péché, parce qu'il était trop confus
Nature : S. m.
Par le mot de libertin je n'entends ni un huguenot, ni un athée, ni un catholique, ni un hérétique, ni un politique, mais un certain composé de toutes ces qualités
de GARASSE dans Rech. des rech. p. 681, dans LACURNE, au mot politique
Laissez aux libertins ces sottes conséquences
Rien, pour l'ordinaire, de plus ignorant en matière de religion que ce qu'on appelle les libertins du siècle
de Louis BOURDALOUE dans Jugem. dern. 1er avent, p. 69
Un libertin [met l'honneur] à rompre et jeûnes et carême
Sainte Geneviève a toujours protégé, dit-on, le royaume ; et, quoi que les libertins puissent penser, on en a vu autrefois des miracles, et le peuple a une grande confiance en elle
Alcibiade : La sottise du peuple met en fureur quand il est question de toutes vos divinités. - Mercure : Voilà un langage de libertin
Libertins de Genève, parti qui, au XVIe siècle, réclama la liberté civile contre la domination religieuse.
Les bourgeois s'étaient primitivement divisés en Mamelus et en Eidguenots ; les Eidguenots, vainqueurs des Mamelus, étaient divisés en catholiques et en évangéliques ; les évangéliques, vainqueurs des catholiques, se divisèrent en libertins et en calvinistes ; les libertins formèrent dans Genève le parti conservateur des anciennes moeurs et de la liberté civile
de MIGNET dans Établissement de la réforme à Genève, p. 331, éd. 1843
2
Désireux d'indépendance.
Il y a de quoi s'étonner qu'un homme aussi libertin que moi se hâte de quitter tout cela pour aller trouver un maître
Vieilli en ce sens.
Sémantique : Terme de fauconnerie. Se dit de l'oiseau de proie qui s'écarte et ne revient pas.
Nature : S. m. Membre d'une secte anabaptiste qui croit toute servitude contraire à l'esprit du christianisme.
3
Qui dépasse la mesure.
C'était un tempérament que je croyais fort raisonnable entre la rigueur des vingt-quatre heures [pour le théâtre], et cette étendue libertine qui n'avait aucunes bornes
Vieilli en ce sens.
4
Qui va à l'aventure.
Vous écrivez si bien, ma chère enfant, quand vous n'avez point de sujets, que je n'aime pas moins ces lettres-là toutes libertines que celles où vous faites réponse
Je suis tellement libertine quand j'écris, que le premier tour que je prends règne tout du long de ma lettre
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 20 juill. 1679
Quelle triste date [aux Rochers] auprès de la vôtre [à Rome], mon aimable cousin ! elle convient à une solitaire comme moi, et celle de Rome à celui dont l'étoile est errante et libertine
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Coulanges, 8 janv. 1690
C'est aujourd'hui notre style ordinaire, décousu et libertin, vagabond et inégal, sans nombre, sans mesure, sans liaison, sans proportion ni entre les choses ni entre les mots
de P. ANDRÉ dans Ess. sur le beau, ch. 3
C'est qu'ils s'abandonnent à toutes sortes de pensées, et leur esprit libertin, qui ne veut point se gêner, se laisse gagner à celles qui se présentent, quoiqu'elles l'éloignent de ce qu'il devrait considérer
de LAMY dans Entret. sur les sciences, Idée de la logique, II.
Il a vieilli en cette signification, et aujourd'hui il ne se dit plus guère qu'avec imagination. Son imagination libertine l'écarte sans cesse de son sujet.
5
Dissipé, qui néglige ses devoirs pour le jeu, en parlant d'un écolier. Cet enfant est fort libertin.
Soyez persuadés que c'est à cause que vous êtes si exactes à les veiller [les pensionnaires de Saint-Cyr] qu'elles sont si aisées à conduire, et qu'aussitôt que vous cesserez de les observer, elles deviendront libertines
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Entret. sur l'éduc. juin 1704
Nature : Substantivement. C'est un petit libertin.
6
Déréglé par rapport à la moralité entre les deux sexes.
Vous voyez, messieurs, combien la jeunesse est libertine, et le peu d'autorité que les pères ont sur leurs enfants
de FURETIÈRE dans le Roman bourg. I
On doit considérer que, dans la querelle des Troyens, il ne s'agissait que d'une vieille femme fort libertine qui s'était fait enlever deux fois, au lieu qu'ici il s'agissait de deux filles et d'un oiseau
Je devins polisson, mais non libertin
Il est plutôt indiscret que confiant, et libertin que voluptueux
À l'âge où l'on est libertin, Pour boire un toast en un festin, Un jour je soulevai mon verre
de Alfred DE MUSSET dans Poés. nouv. Nuit de décembre.
Il se dit aussi des choses. Ton libertin.
Et les jours libertins, Quand je voudrai donner des repas clandestins
Les entretiens polissons préparent les moeurs libertines
Nature : Substantivement. C'est un libertin, un grand, un franc libertin. C'est une libertine.

REMARQUE

1
1. Le latin libertinus signifiant : qui a le caractère d'un affranchi, on n'a pas historiquement l'explication des diverses significations françaises. La première fois qu'on trouve ce mot, au XVIe siècle, il a la signification de : indocile aux croyances religieuses. C'est ce fait qui a déterminé le classement des sens.
2
2. Le sens particulier qu'a pris libertin par rapport aux moeurs a, dans le langage moderne, mis en désuétude les autres sens qui étaient si vivants au XVIIe siècle.

HISTORIQUE

1
XVIe s.
Nos libertins, qui ne discordent gueres en particulier, s'accordent très bien entr'eux en general à mespriser et rejetter la sainte profession de la vie chrestienne
Tant d'epicuriens libertins et moqueurs

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. libertin, affranchi ; du lat. libertinus, qui regarde les affranchis. Libertinus vient de libertus, esclave affranchi ; libertus est pour liberatus, délivré, de liberare (voy. LIBÉRER), comme sectus de secare.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
LIBERTIN. - HIST. XVIe s. Ajoutez :
Aulcuns de la synagogue laquelle est appellée des libertins
dans Actes, VI, 9, Nouv. Test. éd. Lefebvre d'Étaples, Paris, 1525